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Le 13 juin 2016
A l’occasion du 30eme anniversaire de la mort de Michel Foucault le 25 juin prochain, France Culture rend hommage au philosophe, auteur d’une des œuvres les plus importantes et les plus originales du XXème siècle. Intellectuel engagé, son oeuvre touche à la philosophie, à l’histoire, la sexualité ou encore à la sociologie.
Du 13 au 20 juin France Culture revient sur le travail de ce philosophe.
Ce que Foucault a perçu de notre société, n’a cessé d’inspirer. D’autres philosophes, tel Gilles Deleuze, mais aussi ceux qui tentent d’anticiper ce que pourrait devenir notre société.
C’est le cas, notamment, d’Alain Damasio, romancier et auteur de la "Zone du Dehors", dont les écrits ont été fortement influencés par les travaux de Foucault, et notamment par le concept du panoptique de Bentham.
Caméras de surveillance, smartphones, affaire PRISM… Les problématiques autour de la surveillance tendent à prouver que ce qu’a perçu le philosophe de notre société, est, plus que jamais, d’actualité.
La pensée de Foucault Foucault cherche à rendre visible ce qui l’est déjà, à “faire apparaître ce qui est si proche, ce qui est si immédiat, ce qui est si intimement lié à nous-mêmes qu’à cause de cela nous ne le percevons pas” .
Evoquer Foucault, c’est immédiatement songer à l’ouvrage le plus emblématique de sa pensée : "Surveiller et punir", paru en 1975. Michel Foucault y décrit la prison, le supplice, et s’intéresse particulièrement aux questions de contrôle et de discipline.
Il dresse un constat essentiel à sa réflexion : là où les dynamiques de punition ont été, depuis le XVIe siècle, un moyen pour le pouvoir d’être visible, elles tendent peu à peu à s’inverser. Le pouvoir ne souhaite plus s’exposer ; le plus grand nombre doit être visible du plus petit nombre.
Face à l’ordre rigide, Foucault dégage la pensée de l’autodiscipline, des normes souples , et esquisse les grandes lignes d’une société de surveillance et de contrôle qui va être rendue réelle grâce à l’essor des technologies.
Dans “Surveiller et punir”, le philosophe consacre tout un chapitre au panoptique, cette invention de Jeremy Bentham , philosophe et réformateur britannique, dont le principe est le suivant : le panoptique est une tour centrale dans laquelle se trouve un surveillant, autour de cette tour des cellules sont disposées en cercle.
La lumière entre du côté du prisonnier, et le surveillant peut ainsi le voir se découper en ombre chinoise dans sa cellule. Il sait si le détenu est présent ou non, ce qu’il fait ou ne fait pas.
A l’inverse, le surveillant étant invisible, le prisonnier ignore s’il est surveillé ou non.
Ce principe, Foucault ne le cantonne pas à la prison, mais l’étend aux ateliers de fabrication, aux pensionnats, aux casernes, etc.
Le panoptique, c’est finalement faire de la visibilité la prison. On cesse d’enfermer pour mettre en pleine lumière. L’essentiel, c’est que l’on se sache surveillé. Le pouvoir est automatisé et désindividualisé, puisqu’il n’est pas vu .
“L’effet du panoptique est d’induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. (...) La surveillance est permanente dans ses effets, même si discontinue dans son action” , écrit Michel Foucault.
L'intérieur de la prison Presidio Modelo, à Cuba, construite sur le modèle du panoptique
Crédits : CC BY-SA 3.0
Si le philosophe consacre tant de place à ce système, c’est parce qu’il a parfaitement compris qu’il symbolise à merveille les nouveaux dispositifs de surveillance d’un pouvoir moins présent, plus discret.
D’un régime disciplinaire à l’autodiscipline
C’est cette idée que s’approprie Alain Damasio dans son premier roman d’anticipation, "La Zone du Dehors", où il créé une société dystopique nommée Cerclon, et où il extrapole le concept de panoptique décrit par Michel Foucault. Au coeur du problème : la mutation d’un régime de pouvoir, qui s’étend au-delà de la prison.
“Ce que Foucault sent, c’est que le pouvoir va devoir procéder autrement, beaucoup plus souplement, insidieusement, et en faisant une sorte d’échange : on troque une partie de notre liberté au nom d’une vie plus fluide. Il anticipe le fait qu’on passe d’un régime disciplinaire à un régime plus normatif” , explique Alain Damasio.
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http://www.franceculture.fr/philosophie/la-societe-de-surveillance-de-foucault