Le 8 mars 2019
La troisième manifestation anti-Bouteflika a eu lieu ce vendredi. Après le cortège pacifique dans l’après-midi, est venu le temps des heurts dans la soirée. Près de 200 personnes ont été arrêtées.
Une marée humaine a défilé vendredi dans le centre d’Alger pour un troisième vendredi consécutif contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, malgré les mises en garde sur les risques de "chaos" lancées par le chef de l’Etat qui refuse de céder.
La mobilisation, immense et difficile à évaluer, est largement supérieure à celle des manifestations des deux derniers vendredis à Alger, pourtant déjà impressionnantes. Dans le centre de la capitale, la Place de la Grande-Poste s’est remplie de monde, de même que l’un des principaux axes d’Alger qui y mène, ainsi que les grandes artères environnantes.
"Il y’a tellement de monde à Alger que même les petites ruelles et les escaliers sont bondés, la mobilisation est impressionnante, de l’avis de tous il y a plus d’un million de personnes dans #Alger ce vendredi 8 mars 2019"
Des heurts et 195 arrestations
La police a fait usage dans l’après-midi de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui tentaient de forcer un cordon de police bloquant l’accès à une artère remontant vers la présidence de la République.
Alors que le cortège s’est dispersé calmement et que les rues se vidaient à la tombée de la nuit, des heurts opposaient, comme les deux semaines passées à la fin de la manifestation, des groupes de jeunes aux policiers bloquant cette artère.
"A la fin de cette journée du vendredi 8 mars 2019 (…) un nombre important de délinquants s’est manifesté dans le but de commettre des actes de saccage et de vandalisme", explique la Direction générale la Sûreté nationale (DGSN) qui chapeaute les services de la police algérienne.
"L’intervention des services de police a permis l’interpellation de 195 individus", poursuit la DGSN, précisant que 112 policiers ont été blessés dans les heurts, selon un communiqué publié par l’agence de presse officielle APS.
Tout le pays gagné par la fièvre contestataire
À Oran, toute la ville "est sortie, c’est du jamais vu", a rapporté un journaliste, faisant état d’une mobilisation beaucoup plus importante que les deux précédents vendredis, notamment des femmes.
À Constantine, aussi, "il y a une très grosse mobilisation" et "beaucoup plus de monde" que les 22 février et 1er mars, selon un journaliste sur place.
La mobilisation a également été "impressionnante" à Annaba, quatrième ville du pays et à Béjaïa, dans la région de Kabylie (nord), selon des journalistes sur place.
Des sources sécuritaires ont signalé des marches "massives" à Tizi-Ouzou, autre ville de Kabylie, Tiaret et Mascara (nord-ouest). D’autres manifestations ont été également enregistrées à Ghardaïa (centre), M’sila (nord), Sidi bel Abbes et Tlemcen (nord-ouest), selon ces sources.
Les Algériens n’ont, semble-t-il, pas été impressionnés par le message que leur a adressé jeudi Bouteflika, 82 ans, hospitalisé en Suisse depuis plus de dix jours et dont le retour au pays n’a toujours pas été annoncé. Dans ce message à l’occasion du 8 mars, le chef de l’Etat, présenté par ses partisans comme le garant de la paix dans le pays, a agité le spectre du "chaos" et dénoncé, sans les nommer, les ennemis "insidieux" et ceux "qui conspirent" contre l’Algérie.
"18 commandements" pacifiques
En creux, le chef de l’Etat, très diminué par les séquelles d’un AVC dont il a été victime en 2013, réaffirme qu’il n’entend pas renoncer à briguer un 5e mandat lors de la présidentielle du 18 avril. Mais la rue algérienne ne semble pas prête non plus à céder, malgré les rappels du chef de l’Etat, sur la "tragédie nationale" de la décennie de guerre civile (1992–2002) et la "déferlante du Printemps arabe".
Parmi les manifestants circulent les "18 commandements des marcheurs du 8 mars" rappelant le caractère pacifique de la contestation. Ecrits par le poète et écrivain Lazhari Labter, ils stipulent notamment : "Pacifiquement et tranquillement je marcherai", "À aucune provocation je ne répondrai", "Les baltaguias (casseurs payés par le pouvoir) j’isolerai et à la police je les remettrai", "Pas une pierre je ne jetterai, "Pas une vitre je ne briserai", "Après la marche (…) je nettoierai".
À Alger, se sont aussi organisés sur les réseaux sociaux des groupes de "brassards verts", volontaires qui s’occupent d’orienter et d’encadrer les marcheurs, prévenir les risques de bousculades, apporter quelques premiers soins, notamment en cas de projection de gaz lacrymogènes et nettoyer les rues à l’issue de la manifestation.
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A Bordeaux, les Algérien-ne-s ont aussi manifesté le dimanche 10 mars 2019
https://www.sudouest.fr/2019/03/10/bordeaux-une-manifestation-contre-un-5e-mandat-de-bouteflika-5885434-2780.php