Rappel : Police nationale et gendarmerie, - environ 250 000 hommes en France-, sont les principaux bras armés d’un Etat français de plus en plus vichnou à cet égard.
De fait, leur « job » consistant à maintenir l’ordre… en l’Etat, les « forces de l’ordre » disposent d’une panoplie étendue leur conférant « autorité » sur le commun des mortels : uniformes, armes, accès à des données privées, technologies d’écoute-surveillance-fichage, mais aussi formation et protections ad hoc. Et pour cadrer le tout, en démocratie du moins, le droit d'en user selon des procédures légales.
La question n’est donc pas tant de savoir si les forces de l'ordre usent de violence, mais bien sanctionner quand elles en abusent, pratique illégale et dangereuse, en principe condamnée par la loi. En principe….
Ca branle dans le manche
Dans les faits, certaines bavures ont acquis une postérité sinon grand public, du moins historique. Pour s’en tenir à la Ve République, citons en vrac l’usage de la torture en Algérie « française », les manifestants noyés par balle ou étouffés dans le Paris des années soixante policé par le préfet Papon ; Malik Oussekine tué par des policiers « voltigeurs » en 1986. Ou l’assaut vengeur de gendarmes sur la grotte d’Ouvéa, l’affaire du Rainbow Warrior, des paillotes corses, des écoutes téléphoniques de l’Elysée et autres scandales d’Etat attestant que si en théorie, les forces de l’ordre agissent dans un cadre républicain, en pratique, leur action relève surtout du bon plaisir du prince qui les gouverne
D’autres abus policiers « jouissent » d’une publicité plus incertaine via des réseaux d’ONG, asso, commissions, collectifs, observatoires…Et même presse grand public. Témoignages échoués en page faits divers, locales, ou html, de "citoyens" parfois ni criminels, ni délinquants, ni même contrevenants mais hélas pour eux, juste présents "au mauvais endroit au mauvais moment".
Julien Coupat. Collégiens de Cenon en goguette à Paname ou en cours dans le Gers. Parents d'élèves, cyclistes, automobilistes, usagers de transports publics, passants, étudiants ou chercheurs, militants, prostituées, lycéens (se) manifestant. Hommes, femmes. Trans. Ados, gamins."En bande". Près d’un transformateur électrique. Etrangers, Français, Bordelais, avec ou sans papiers. Passagers d’Air France ou adeptes du TGV, plus ou moins anonymes dans la foule. Tous, objets de procédures manifestement abusives pour avoir contrarié les autorités, fut-ce dans des cadres également légaux tels que la non assistance à personne en danger.
Certaines bavures ont suscité des réformettes. D’autres ont dégénéré : en émeutes, indignation, blessures, soupirs, tollés, rage. Seconde d’(in)attention, impuissance, effarement, peur ou torpeur. Humiliation aussi .
Certaines bavures sont « exemplaires » Attestées. Documentées. Ont fait l’objet de certif médicaux. Plainte en justice. Enquête. Et contre enquête. Preuve par l'image. Procès. Et au final condamnation judiciaire des bleus incriminés.
Lesquelles ? Dans quelles proportions ? Mystère : On cherche toujours, sur le net, un rapport officiel, transparent, complet, vérifiable et à jour sur le comportement quotidien, en 2009 en France, des « forces de l’ordre »
Et de fait un autre schéma se dessine, plus obscur : Des faits abusifs, mais pas de plainte, déposée… ou retenue. Sur le fond ou dans les formes. Des procédures dissuasives : pièces à convictions qui s’égarent, coût et lenteur de la justice ordinaire, plainte contradictoire des pandores incriminés. Et in fine plaignant débouté. Voire condamné, comme Eunice Barber “Il faut savoir que ces plaintes sont très longues, aboutissent rarement et la plupart du temps se perdent dans les sables. Le système est conçu pour cela” commentent Elie et Dante..
Bavures non condamnées qui, au cimetière gris de nos mémoires, vont rejoindre des noms à colorations souvent exotiques : Tais. Lamine. Aminata. Zyed. Bouna. Ou alimenter dossiers de la LDH et notices Wikipedia sériant violences policières « ordinaires », « de situation », violences physiques -coups, blessures, meurtres- ou violences morales (harcèlement verbal, procédurier ou sexuel, racisme, sexisme, tutoiement, injures…)
Quand les forces de l’ordre dérapent
Procédures abusives. Menottages. Garde à vue. Contrôles qui « dérapent » dans l’ombre des rues, abribus, commissariats, cellules, centres de rétention ou zones de transit. Abus insidieux, ignobles, ignorés, répétés, glissant invisibles hors stat... Mais faits couverts par la hiérarchie. L’institution. L’esprit de corps. La raison ou le secret. D’Etat. Les amnisties. La prescription, La résignation. L’habitude. Et rapports entre citoyens et police qui se tendent, se "corsent"
Début avril 2009, un rapport d'Amnesty international dénonce donc un climat persistant d’impunité policière. Intitulé, ‘France : Des policiers au-dessus de la loi’, il cite notamment la condamnation de l’hexagone par la Cour européenne des droits de l’homme, pour la mort –toujours inexpliquée à ce jour- de Pascal Tais, « entre sang et excréments » dans une cellule de dégrisement du commissariat d’ Arcachon. Et déplore le conflit d’intérêt du principe selon lequel c’est la police elle-même qui enquête sur les plaintes la concernant.
Chiffre cité par Piotr Smolar dans le Monde du 21 février 2003 : 592 plaintes pour « violences policières illégitimes » traitées par l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) en 2002. Plus d’une par jour. Crédible ? Admettons. 592 plaintes traitées en 2002. 611 en 2003, 724 en 2004. 663 en 2005. Et 639 en 2006 selon le rapport d’Amnesty.
Plaintes en partie à l’origine des sanctions administratives (du blâme à l’exclusion, comme en rigolait Coluche ) prononcées par l’IGPN contre ses policiers en 2004. Sans qu’on puisse en juger : les rapports de l’IGPN sont à usage interne de la police des polices.
Un brin plus indépendante et transparente, mais sans pouvoir de sanction, la Commission Nationale de la Déontologie de la Sécurité (CNDS). 38 plaintes traitées pour 144 plaintes enregistrées en 2007. Faible diligence due à des effectifs limités : 5 emplois à temps plein dont un comptable. Résultat 117 saisines en sept ans d’activité dont 41 ont conclu à des manquements à la déontologie : Une sur trois. Pas négligeable.
La politique du chiffre
De fait, signalée dans un article du Monde le 15 février 2007, la « baisse de la qualité des procédures judiciaires dressées par police et gendarmerie » notamment lors des contrôles d’identité, croise l’explosion du nombre des gardes à vues (GAV) : Près de 600 000 entre février 2008 et janvier 2009, soit plus d’1% de la population française dont environ100 000 ayant duré plus de 24 h.
Une explosion qui s’accompagne du boom des poursuites pour outrages à dépositaire de l'autorité publique, Amnesty International précisant « notamment à l’encontre de personnes qui protestent contre les mauvais traitements de la part des policiers ou qui tentent d’intervenir après en avoir été témoins ». 10 000 outrages constatés en 95… Contre 31 323 entre fév 2008 et janv 2009 selon les statistiques sur la délinquance disponibles ena vril sur le site du ministère de l’intérieur.
Un délit passible de prison… Et d’amendes. 500 euros en moyenne avance le Figaro du 26 fevrier 2009. ‘Le délit d’outrage permet aux flics d’arrondir leurs fins de mois’ conclut la blogosphère. Outrages et rébellions génèrent aussi de flatteuses statistiques pour les policiers : 31323 faits d’outrages constatés, 31078 élucidés.
Commentaire de Maitre Eolas sur son blog : après un rappel utile, « Refuser d’obéir à une injonction d’un policier, fut-elle illégale, est un délit. La cour de Cass vient de le rappeler » il constate : « Dans les dossiers d’outrage que j’ai eu à traiter ( un des délits les plus fréquents, la plupart du temps envers des policiers), j’ai toujours ressenti un malaise. Parce que ce délit porte atteinte à un droit fondamental qui n’est certes pas absolu mais en tout état de cause digne de respect ( …) Ce droit fondamental est la liberté d’expressions »
Clap Clap, juin 2009