Le 19 septembre 2012
« Les détenus se comparent eux-mêmes à des travailleurs du tiers-monde »
Interview de Fabrice Guilbaud, sociologue du travail en prison
« Esclaves modernes », les détenus qui travaillent ? Exclus du droit commun du travail et sous-payés, ils sont plusieurs à avoir déjà porté plainte devant les prud’hommes. Sans succès.
Lui, au moins, on va pas lui demander de bosser
Aujourd’hui, au tribunal des prud’hommes de Paris, aurait dû se tenir l’audience d’une employée licenciée abusivement, selon ses avocats, par la société MKT Sociétal, un centre d’appels.
Déjà repoussé, le procès se tiendra finalement en janvier 2013. Jusque-là, rien d’étonnant. Sauf que l’employée qui porte plainte est une détenue de la maison d’arrêt de Versailles.
Le détail fait l’affaire et pose à nouveau la question du statut de ces travailleurs atypiques, exclus du droit commun du travail et sous-payés.
Pourquoi cette absence de contrat de travail en prison ?
Fabrice Guilbaud : En prison, les travailleurs ne sont pas encadrés par le droit commun du travail mais par le Code de procédure pénale. Ils n’ont donc pas de contrat de travail (article 717-3).
Les détenus ressentent un profond sentiment d’injustice, notamment parce qu’ils n’ont aucune indemnité en cas d’arrêt maladie et parce qu’ils sont sous-payés.
Ils se comparent eux-mêmes à des travailleurs du tiers-monde ou à des esclaves modernes.
Il ne s’agit pas d’une zone de non-droit mais d’une zone d’exclusion du droit du travail organisée par l’Etat : c’est parce qu’ils sont détenus qu’ils sont privés du droit commun, cela fait partie de la peine. Changer, cela impliquerait d’agir sur la conception et l’organisation de la peine.
Lire la suite sur StreetPress :
http://www.streetpress.com/sujet/53424-les-detenus-se-comparent-eux-memes-a-des-travailleurs-du-tiers-monde