Pioché sur Sud-Ouest, le 16 juin 2012
En 1974, René Dumont, premier candidat écologiste à une élection présidentielle, avait réalisé un petit exploit : celui de faire citer en justice le nouveau chef de l'État, Valéry Giscard d'Estaing, pour affichage illégal. Un tel acte serait aujourd'hui impossible. Au fil du temps, et parfois au gré des affaires qui menaçaient les présidents, les plus hautes institutions de la République ont façonné une véritable citadelle juridique autour du chef de l'État.
La dernière pierre a été apportée hier par la Cour de cassation. Dans un arrêt, elle a reconnu que le chef de l'État en exercice, inattaquable en justice en vertu de son immunité, peut en revanche agir devant les tribunaux lorsqu'il est victime d'une infraction « pendant la durée de son mandat ». L'affaire remonte à 2008, lorsque des jeunes avaient réussi à pirater un compte bancaire de Nicolas Sarkozy et à lui soutirer une centaine d'euros. Le chef de l'État s'était alors constitué partie civile.
Le cas de Jacques Chirac
Condamné en appel, un des prévenus s'était pourvu en cassation, arguant notamment que le chef de l'État, protégé par son statut pénal et nanti du pouvoir de nommer les juges (après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature), ne jouait pas à armes égales avec un justiciable ordinaire. Un argument que n'a pas retenu la haute juridiction.
Jusqu'à présent, le statut pénal du chef de l'État avait surtout été abordé dans sa dimension défensive.
En 2007, la réforme constitutionnelle avait confirmé une jurisprudence de la Cour de cassation de 2001 (initiée en 1998 par le Conseil constitutionnel présidé par Rolland Dumas) statuant sur le cas de Jacques Chirac.
La réforme avait entériné que le chef de l'État ne peut rendre de comptes à la justice durant son mandat, la prescription étant par ailleurs suspendue.
« Citoyen à moitié ordinaire »
En 2010, la justice avait même élargi cette inviolabilité aux proches collaborateurs du chef de l'État, suspendant ainsi les investigations dans l'affaire dite des « sondages de l'Élysée ». L'ONG Anticor venait de porter plainte pour favoritisme après un rapport de la cour des comptes selon lequel l'Élysée avait passé contrat avec la société du conseiller du président Patrick Buisson, Publifact, à hauteur de 1,5 million d'euros par an, en plus de 10 000 euros par mois, sans appel d'offres préalable.
En multipliant les procédures en justice (ce dont ses prédécesseurs s'étaient généralement abstenus), Nicolas Sarkozy a immanquablement amené la justice à se prononcer sur la partie « offensive » de son statut pénal.
« Comment le président peut-il être à moitié un citoyen ordinaire ? » s'interroge Séverine Tessier, la présidente d'Anticor.
Et de rappeler que l'immunité de Nicolas Sarkozy a expiré hier.
L'ONG devrait en profiter pour tenter de relancer l'affaire des sondages en saisissant « dès lundi » un juge d'instruction.
Source :
http://www.sudouest.fr/2012/06/16/le-president-peut-etre-victime-mais-pas-coupable-744771-7.php
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