Transmis par Jean-Jacques le 16 février
Le 14 février 2014
Par Christophe Becker, Mathieu Burnel, Julien Coupat, Bertrand Deveaud, Manon Glibert, Gabrielle Hallez, Elsa Hauck, Yildune Lévy, Benjamin Rosoux, Aria Thomas, mis en examen dans l'« affaire de Tarnac », notamment pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
L'antiterrorisme est magique. Il a non seulement l'art de faire passer des chihuahuas pour des loups, mais en outre celui de faire taire toute protestation à son sujet.
Deux lycéens de 15 et 16 ans dont on s'alarmait en janvier, entre compassion et surprise, qu'ils aient pris le chemin de la Syrie sont ainsi devenus à la fin du mois des « apprentis djihadistes » sous contrôle judiciaire. Et nul ne moufte.
Deux gamins mis en examen pour « participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », deux gamins ramenés de Turquie par des proches et cueillis à leur retour par la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en guise de comité d'accueil. Tout est dans l'ordre, passons à la suite.
Un enquêteur qui déclare qu'il s'agit en fait de « décourager les autres petits jeunes radicalisés sur Internet qui auraient l'intention de se rendre là-bas », qui déclare donc que l'on inculpe des gens pour intimider les autres, et nul ne s'en émeut.
Un ministre de l'intérieur qui multiplie par trois le nombre, déjà gonflé par les services, des Français qui seraient actuellement en Syrie à combattre l'armée de Bachar Al-Assad, et personne pour noter la magouille.
Il faut dire que sans le genre de petites opérations de terreur discursive dont l'antiterrorisme est coutumier, on n'aurait pu si simplement tordre le cou à l'évidence.
Ce qu'il y a de sidérant, c'est évidemment que depuis trois ans on laisse un peuple se faire massacrer, bombarder, torturer, gazer par tout un appareil contre-insurrectionnel déchaîné, et non que des jeunes gens trouvent cela intolérable et décident d'agir en conséquence.
C'EST EUX OU NOUS
Moralement, il est vrai, c'est eux ou nous : ou bien nous sommes des lâches, des cyniques, des cœurs tannés qui assistent tranquillement au carnage du fond de nos sofas, ou bien nous avons affaire à des « monstres embrigadés en un mois sur Internet » au terme d'un « processus d'autoradicalisation fulgurant ».
Ici, gober le bobard est le prix à payer pour notre confort moral. En d'autres temps, on n'aurait pas attendu pour monter des brigades internationales de volontaires auxquelles auraient participé de futurs George Orwell, et c'est bien sûr de ne l'avoir pas fait que nous avons, en lieu et place, des Brigades Al-Nosra et des otages.
Rééduquer par l'antiterrorisme des gamins de 15 ans, voilà qui permet à bon compte de faire un peu oublier la contradiction saignante entre la position officielle de la France envers le régime syrien et sa paralysie effective. Nous disions, à peine arrêtés, que l'antiterrorisme ne ciblait pas centralement ceux sur qui il s'abat, mais l'ensemble de la population ; qu'il n'était donc pas une procédure judiciaire, mais un mode de gouvernement.
Depuis lors, les révélations d'Edward Snowden sur les activités de la NSA ont achevé d'en administrer la preuve : c'est au nom de l'antiterrorisme que l'on espionne la totalité de la population, et au nom de l'antiterrorisme que Barack Obama entend rendre cela acceptable.
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