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Collectif bordelais Contre les Abus Policiers

Un gilet jaune a-t-il fait quatre mois de prison à cause du mensonge de deux policiers ?

Interpellation de Sullivan F. lors de l'acte 46 des gilets jaunes à Montpellier.

Le 15 janvier 2020

Un jeune homme a été condamné en septembre à Montpellier à six mois de prison pour dégradation et rébellion.

En appel, la peine de prison pour dégradation a été maintenue, mais il a été relaxé pour les faits de rébellion que lui reprochaient deux fonctionnaires ayant porté plainte.

Question posée par Dragow le 14/01/2020

Bonjour,

Vous nous demandez : « Un gilet jaune a-t-il fait quatre mois de prison après de faux témoignages de policiers pour finalement être relaxé grâce à des vidéos l’innocentant ? (c’est que Google crie famine au niveau de la presse française à ce sujet)»

Vous renvoyez vers un article du site internet GJ-Magazine, reprenant lui-même une vidéo de Vécu, média proche des gilets jaunes.

Il s’agit d’une interview de Camille Halut, militante de la Ligue des droits de l’homme dans l’Hérault et membre de l’Observatoire des pratiques policières de la LDH, qui a plusieurs fois été interpellée alors qu’elle observait le déroulement des manifestations des gilets jaunes et documentait les techniques de maintien de l’ordre.

« Aujourd’hui je voulais être avec vous car il y a un gilet jaune qui vient de sortir de prison, il est derrière moi, il veut pas parler, on peut pas le comprendre », commence la vidéaste de Vécu avant de donner la parole à Camille Halut.

La scène se déroule devant la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelones (Hérault).

La militante de la LDH raconte l’histoire de cet homme « qui a été condamné en septembre à une peine de prison ferme avec mandat de dépôt. Notamment sur la base de mensonges policiers […] Au moment de l’interpeller, des policiers l’ont accusé d’avoir été violent alors que ça n’avait pas été le cas. Et en fait les juges de première instance n’ont absolument pas tenu compte de nos attestations. […] Il a été jugé en comparution immédiate, il n’a pas eu le temps de bien se défendre. […] Il a fait appel. Et c’est en appel que nous avons pu produire la vidéo que nous avions faite, nous observateurs de la LDH, de son interpellation, et qui a permis de montrer que les policiers avaient menti. Et qui a permis qu’il soit relaxé ».

Six mois de prison avec mandat de dépôt

L’homme en question s’appelle Sullivan F.. Les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés dans l’après-midi du 28 septembre, lors de l’acte 46 des gilets jaunes à Montpellier.

L’homme, âgé de 27 ans, est repéré par les policiers alors qu’il les invective, et qu’il allume un feu dans une benne à ordure déplacée au milieu d’un boulevard. Il est interpellé puis placé en garde à vue.

Un brigadier et un sous-brigadier de la brigade anticriminalité (BAC) de Montpellier ont alors porté plainte contre lui, pour outrage et rébellion.

Le sous-brigadier accuse Sullivan F. de lui avoir donné un coup de pied au niveau du genou et de s’être débattu lors de l’interpellation. Le brigadier abonde sur ce second point, et lie au comportement de l’interpellé une douleur au petit doigt de la main gauche.

Par la suite, une entorse du doigt sera constatée par un médecin, donnant lieu à deux jours d’ITT pour le policier.

Le prévenu est jugé au tribunal correctionnel de Montpellier en comparution immédiate le 30 septembre, au surlendemain de la manifestation.

Il est condamné à six mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt, à deux ans d’interdiction de manifester, et à payer 300 euros de dommages et intérêts à chacun des deux policiers plaignants.

Motif de cette condamnation : « Dégradation ou détérioration du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes », et « rébellion en récidive ». Sullivan F. a en effet déjà été condamné pour ce motif, et pour d’autres délits, à Montpellier et ailleurs en France.

Le mandat de dépôt (le transfert direct du prévenu du palais de justice à la prison) est notamment justifié aux yeux du juge car le jeune homme est sans emploi et sans domicile fixe.

Condamné puis relaxé pour les faits de rébellion

Lors de son audition, entre l’interpellation et le jugement, le manifestant avait bien reconnu avoir mis le feu à une poubelle et invectivé les deux policiers (insulte et doigt d’honneur). Mais n’avait pas reconnu les faits de rébellion dont il était accusé.

En première instance, pour éviter la condamnation pour rébellion, la LDH de l’Hérault avait produit des attestations écrites évoquant le fait que le jeune homme ne s’était pas débattu. Sans que le juge ne semble en tenir compte.

Par la suite, la cour d’appel de Montpellier a relaxé Sullivan F. des faits de rébellion, le 19 décembre, sur la foi notamment d’images produites par le LDH à partir d’une vidéo filmée au plus près de l’interpellation.

Le récit des deux policiers plaignants concernant la manière dont l’interpellé se serait débattu et les aurait blessés ne collait pas avec la vidéo, que CheckNews a pu consulter (et dont une capture d’écran illustre cet article).

De fait, sur la vidéo de l’Observatoire des pratiques policières de la section héraultaise de la LDH, on voit l’interpellé tenter de s’enfuir à l’approche des policiers.

Il subit d’abord un croche-patte de la part d’un fonctionnaire, se relève, mais est très vite rattrapé par d’autres agents, qui le plaquent au sol. 

Ils pratiquent alors une clé d’étranglement, et un plaquage ventral, technique abondamment décriée et récemment utilisée sur le livreur décédé à la suite de son interpellation Cédric Chouviat.

Sullivan F. ne semble pas se débattre, et encore moins donner des coups de pied au cours de cette scène. Ce qui pousse la cour d’appel à écrire que « si l’interpellation de [Sullivan F.] était parfaitement légitime au regard de son comportement et du fait qu’il venait d’incendier un container poubelle […], les éléments produits à l’audience et notamment le visionnage de la vidéo ne permettent pas d’affirmer [qu’il] ait opposé une résistance violente lors de son interpellation puisque aucun geste, aucune gesticulation, aucun coup ou tentative de coup en direction des forces de l’ordre n’est identifiable ». 

La cour d’appel a donc relaxé le jeune homme pour les faits de rébellion, permettant sa sortie de prison en janvier.

Aurait-il fait de la prison sans les « faux témoignages » des policiers ?

Peut-on alors dire que Sullivan F. a effectué de la prison à cause des « faux témoignages » (pour reprendre les termes de votre question) des policiers ? Il est impossible de répondre de manière affirmative à cette question.

Si la cour d’appel a relaxé le jeune homme des faits de rébellion, elle n’est pas pour autant revenue sur la condamnation dans son ensemble, puisqu’elle a ramené la peine de six à trois mois de prison.

Jugeant donc que le seul délit de dégradation (pour le feu de poubelle), avéré celui-ci, justifiait une peine de prison.

Une condamnation à trois mois (ou six mois) de prison ferme n’est pas assortie automatiquement d’une incarcération, et peut être aménagée.

C’est même souvent le cas, sauf (comme ici après le jugement en première instance), quand un mandat de dépôt est prononcé.

Ce dernier avait été justifié ainsi en première instance : « Eu égard au manque de garantie de représentation de [Sullivan F.] sans domicile fixe et sans profession, et au risque de réitération des faits dans un contexte de renouvellement chaque samedi des manifestations identiques »

Sullivan F. aurait-il aussi écopé en première instance d’un mandat de dépôt si les policiers n’avaient pas porté plainte et si les faits de rébellion n’avaient pas (à tort) été retenus contre lui ?

Son avocat, Alain Ottan, est mesuré dans sa réponse à CheckNews : « Les mensonges des policiers y ont largement contribué. Mais en même temps, ce jeune homme, avec son profil, aurait pu être mis en détention avec un mandat de dépôt pour la seule dégradation. »

Dans son interview à Vécu, la militante de la LDH Camille Halut a promis « des suites contre ces policiers, qui pourront être accusés d’avoir ment i», tout en rappelant l’importance des images d’observateurs et de la «presse indépendante» dans les procédures judiciaires.

Par l’intermédiaire de la militante, Sullivan F. déclare à CheckNews que « les policiers profitent de leur insigne pour faire des abus. Ils vont trop loin. Et ils n’écrivent pas dans leurs procès-verbaux ce qu’ils font vraiment ».

L’avocat des deux agents de la BAC n’a pour l’heure pas répondu à notre sollicitation.

Source :
https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/un-gilet-jaune-a-t-il-fait-quatre-mois-de-prison-%c3%a0-cause-du-mensonge-de-deux-policiers/ar-BBYYTP1

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