Depuis Indymedia Nantes le 11 mars 2014
Rencontre avec Damien T., une autre victime (après Quentin Torselli) d'une blessure très grave à l'oeil causée par la police lors de la manifestation contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à Nantes le 22 février 2014.
Qui es-tu Damien ?
Je m'appelle Damien T. J'ai 29 ans. Je suis maçon coffreur en intérim, actuellement en recherche d'emploi. J'habite à Rezé dans l'agglomération nantaise.
Quelle blessure t'a provoqué la police pendant la manifestation du 22 février ?
Je souffre d'une « contusion sévère du globe occulaire ». C'est ce que disent les médecins. Ils ne savent pas encore ce que ça va devenir. Mais je ne vois plus du tout de mon œil gauche. Le dimanche suivant la manifestation, j'ai été opéré pour une exploration de l'oeil. En tout, pour l'instant, j'ai déjà été hospitalisé quatre jours.
Étais-tu manifestant contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
J'étais manifestant avec mes amis. Je trouve idiot de faire un aéroport là-bas. Mais je ne suis pas un activiste.
Que s'est-il passé exactement ?
C'était vers 17 heures, rue du Guesclin, dans l'Ile Feydeau, près du café Le Chat noir. On arrivait avec mes amis depuis le square Daviais où se tenaient des discours et des musiciens. En face, des affrontements chauffaient sérieusement du côté du square Fleuriot et de la station centrale des tramways. Nous nous sommes rapprochés du Chat noir. Brutalement, on s'est retrouvés au milieu des lacrymos et des grenades assourdissantes. Dix minutes avant ma blessure, j'ai vu tomber le manifestant très durement touché au nez par une balle de flash-ball.
La situation a dégénéré. Il y avait des activistes, disons « énervés » et aussi des gens avec des poussettes, des personnes âgées, qui se sont fait gazer.
Brutalement, les CRS nous ont chargés depuis l'intérieur l'Ile Feydeau, en tirant avec tout ce qu'ils avaient sous la main : lacrymos, flash-ball, grenades. Il balançaient également sur nous les cailloux qui leurs étaient jetés.
Je me suis retrouvé face à eux. Ils tiraient en l'air, puis à hauteur d'homme. J'ai été touché, soit par une grenade assourdissante, soit par une balle en caoutchouc.
Je suis tombé dans les bras d'un jeune manifestant. Deux personnes m'ont secouru et m'ont emmené en direction du quartier du Bouffay. Mon ami Alex a arrêté un véhicule de pompiers, qui a appelé une ambulance, qu'on a attendue longtemps.
Je souffrais beaucoup et je saignais. Et j'avais un énorme sifflement d'oreille.
Es-tu seul dans ton cas ?
Je peux affirmer que nous sommes au moins trois blessés à l'oeil sur cette manifestation, car à l'hôpital, en plus de Quentin que j'ai croisé, j'ai vu un troisième blessé à l'oeil pendant le rendez-vous avec l'anesthésiste, un jeune homme d'environ 25 ans dont je ne connais pas le nom.
As-tu prévu de porter plainte ?
Je suis allé déposer une première plainte au commissariat de Rezé. J'ai demandé à porter plainte pour « blessure aggravée avec intention de mutiler ». Mais les policiers n'ont écrit sur le papier que « Blessure aggravée avec ITT de plus de huit jours ». Il faudra sans doute que je dépose une plainte plus argumentée auprès du Procureur de la République.
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