Le 19 novembre 2019
Trois médecins vont réaliser une nouvelle expertise, afin d’élucider les circonstances de la mort du jeune homme, à la suite d’une interpellation musclée par la police en 2016.
Les examens se succèdent depuis plus de trois ans sans parvenir à des résultats définitifs concluants. Les proches du jeune homme soutiennent que ce sont les méthodes employées durant son arrestation, notamment une compression thoracique, qui auraient provoqué l’asphyxie et le décès quelques minutes plus tard.
Les trois gendarmes (placés sous le statut de témoin assisté pour les faits de non-assistance à personne en danger) assurent de leur côté que leurs actions ne sont en rien responsable de la soudaine dégradation de l’état d’Adama Traoré, qui a commencé à défaillir dans le véhicule de la gendarmerie, avant de s’effondrer sur le sol de la caserne.
Les premières autopsies de juillet 2016 mettaient en avant un syndrome asphyxique, sans en déterminer la cause.
L’examen toxicologique, réalisé dans la foulée, excluait le rôle du cannabis dans sa mort, malgré une importante consommation.
La première expertise de septembre 2016 formulait l’hypothèse d’une défaillance cardiaque due à une malformation. Une option balayée par le deuxième rapport de juin 2017, qui montrait au contraire qu’Adama Traoré avait un palpitant de sportif.
Une autre piste
L’expertise d’octobre 2018 avançait une autre piste. Le jeune homme serait mort à la suite d’un effort important – il tentait d’échapper à un contrôle de la gendarmerie – qui aurait provoqué une réaction en chaîne chez lui, due à deux maladies bénignes dont il était affecté, la sarcoïdose et la drépanocytose.
Une conjecture qui présente au moins deux défauts aux yeux des proches : rien dans le dossier judiciaire ne permet de dire qu’Adama Traoré a produit un effort important lors de sa fuite – les éléments d’enquête ont mis en avant qu’il a parcouru 450 mètres en 18 minutes ; par ailleurs aucun des médecins interrogés n’est spécialiste des deux maladies invoquées.
L’avocat de la famille Traoré, Me Yassine Bouzrou, a donc fait réaliser une contre-expertise, début 2019, par des professeurs spécialistes de ces pathologies caractéristiques.
Pour des résultats radicalement divergents : selon eux, une telle réaction en chaîne n’a jamais été observée, surtout chez un sujet présentant des formes bénignes (voire asymptomatiques) des deux maladies précitées, comme c’était le cas d’Adama Traoré.
Les deux juges d’instruction avaient estimé que ce rapport était sujet à caution, notamment parce que les spécialistes interrogés n’étaient pas inscrits sur les listes d’experts assermentés.
Mais en nommant à leur tour trois médecins dont deux ne figurent pas sur ces registres, ils accréditent l’idée que l’affaire est un casse-tête autant pour la justice que pour la science.
Une série de questions
La famille d’Adama Traoré n’a d’ailleurs pas manqué de pointer cette incongruité dans un communiqué publié sur Facebook, regrettant également les huit mois écoulés entre la commande de la nouvelle expertise et la désignation de ces médecins.
Me Yassine Bouzrou a envoyé aux magistrats une sollicitation pour que ces nominations soient motivées et pour que les échanges ayant conduit à ce choix soient versés à la procédure.
Il demande en outre que le professeur de médecine interne spécialiste de la sarcoïdose et de la drépanocytose ayant réalisé la dernière expertise soit associé aux travaux. « Il est nécessaire pour les proches d’Adama Traoré que la désignation des experts soit faite en toute transparence », estime l’avocat.
Les trois nouveaux experts devront, au vu de l’ensemble du dossier judiciaire et des précédents rapports, répondre à une série de questions : Adama Traoré était-il atteint de pathologies ? Ont-elles contribué à sa mort ? Le stress et l’effort physique ont-ils joué un rôle ? Le cannabis est-il en cause ? A quoi est dû son syndrome asphyxique ? Y a-t-il eu une asphyxie positionnelle au moment de son interpellation ? A-t-elle contribué au décès ?
Autant d’interrogations qui restent à ce jour en suspens.
Ce nouveau – et ultime ? – rapport est attendu au plus tard le 4 mai 2020.
Soit près de quatre ans après la mort du jeune homme.