Pioché sur Libération
Le 25 mai 2011
«Le gouvernement nous prend pour des cons». Voilà - à l'heure où est écrit cet article - la dernière sortie d'un député UMP (Yannick Favennec) dans la désormais «affaire des radars», opposant parlementaires, associations de sécurité routière et gouvernement. [Lire ici le récit de la folle journée de mardi]
Dans cet imbroglio d'annonces et de contre-annonces, on entend désormais parler de «radars pédagogiques» par opposition aux radars répressifs, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant proposant d'en installer un millier «dès la semaine prochaine». Comment fonctionnent ces boîtiers ? Quel est leur coût par rapport à un radar classique ? Et surtout, pour quelle efficacité ?
Eléments de réponse.
Un radar pédagogique, c'est quoi ?
D'apparence, il ressemble à un panneau de signalisation classique (genre carré avec bandes réfléchissantes), avec affichage électronique.
Quand vous passez devant en voiture (ça marche aussi en vélo), l'écran affiche en chiffres lumineux la vitesse à laquelle vous roulez. Sur les plus sophistiqués, on trouve des pictogrammes : bonhomme qui sourit ou grimace, ou des messages de sécurité routière (Trop vite / Attention ralentissez...) D'autres vont même jusqu'à préciser le montant de l'amende encourue et les points que vous pourriez perdre s'il s'agissait d'un radar classique. Car à la différence des boîtiers gris classiques, le radar pédagogique se contente d'informer l'automobiliste, sans prendre de photos ni vous exposer à des contraventions.
La plupart des radars sont électriques. Ils fonctionnent grâce à une batterie rechargeable, notamment sur les candélabres. A terme, les radars fonctionnant à l'énergie solaire devraient se multiplier. Cela permettra notamment d'en installer dans des zones non électrifiées.
En existe-t-il beaucoup ?
L'un des premiers radars a été installé à titre expérimental à Lyon en 2006 dans une zone limitée à 30km/heure.
Pour l'heure, le ministère n'a pas été en mesure de nous dire combien de radars pédagogiques étaient déjà installés sur le territoire. «La demande des collectivités a vraiment décollé il y a deux ou trois ans», assure Jean-Marc Coutellier, PDG de l'entreprise Magsys, basée à Biarritz. Ce n'est pas du tout la même utilisation que les radars répressifs. Les «pédagogiques» sont le plus souvent installés dans les villes ou les villages, aux abords des écoles ou à l'entrée des communes, à l'initiative de la mairie ou de la communauté d'agglomération.
Combien ça coûte ?
Tout dépend du modèle. Les prix varient du simple au double. Comptez un peu moins de 2000 euros pour les modèles standard. 5000 euros, si vous souhaitez votre radar écolo (fonctionnant à l'énergie solaire) ou affichant un message de prévention. Globalement, les prix ont tendance à baisser depuis deux ans, l'offre s'étoffant. Une quinzaine d'entreprises se partagent aujourd'hui le marché.
Quoiqu'il en soit, le radar pédagogique reste dix fois plus économique que son cousin le classique : «Ça n'a rien à voir. Pour un radar répressif, vous rajoutez un zéro, facile. L'homologation qui permet de verbaliser coûte cher», explique Jean-Marc Coutellier.
Qui paie ?
En principe, la sécurité routière relève des compétences de l'Etat. Donc, en toute logique, les radars pédagogiques devraient être installés et financés par les services de la préfecture. Sauf qu'en pratique, les communes prennent souvent l'initiative et paient elles-mêmes ces installations. Notre vendeur de radars confirme: «Nos principaux clients sont les communes, les communautés d'agglomération et à la marge les départements.» Il existe des modes de financement alternatifs. En Seine-et-Marne, où dix radars ont été installés en 2009, les mairies n'ont pas donné un centime. Un peu sur le modèle des vélos en libre service financés par l'affichage publicitaire, l'agence de pub Capricorne a accolé des réclames au dos de chaque panneau, ce qui permet de financer la totalité de l'installation estimée à 15.000 euros.
Le flou demeure sur le financement des 1000 radars annoncés dimanche par le ministre de l'Intérieur Claude Guéant, qui, a t-il dit, seront installés «dès la semaine prochaine». A priori, il semblerait logique que ce soit l'Etat, via les préfectures, qui supporte le coût de cette mesure. Mais, à l'heure qu'il est, rien n'a été officiellement précisé par le gouvernement. Le timing semble par ailleurs très juste. On voit mal comment ces radars seront déployés dès la semaine prochaine alors qu'aucun appel d'offre n'a été lancé.
Ces radars sont-ils efficaces ?
En Seine-et-Marne, les maires se «disent très satisfaits du système», selon l'agence Capricorne. A Vanves, dans les Hauts-de-Seine, le maire Bernard Gauducheau (centre droit) a installé en novembre 2009 six radars sur trois axes principaux. «Cela a un effet dissuasif, c'est certain. On a des retours statistiques des vitesses enregistrées: 95% des automobilistes respectent les limites de vitesse. 4,5% sont enregistrés entre 50 et 90 km/h. Restent les 0,5% qui passent à plus de 90 km/h et qui posent sérieusement problème.» Le maire réclame depuis des années un radar classique pour faire la peau aux chauffards. «Mais seul l'Etat a la compétence pour les financer et... empocher les recettes. Si ça ne dépendait que de moi, j'en aurai installé un depuis longtemps», souffle-t-il.
Source :
http://www.liberation.fr/societe/01012339568-si-vous-aussi-vous-decouvrez-les-radars-pedagogiques