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Le 29 août 2011
Y a-t-il moins de policiers ? Et surtout, sont-ils moins présents sur le terrain ? Dans un livre paru le 24 août, 11 propositions chocs pour rétablir la sécurité (Fayard, 168 p., 12 euros), le secrétaire national du PS chargé de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas, dénonce la "diminution" de la présence policière sur la voie publique. Et, lundi 29 août,le ministre de l'intérieur se rend à Marseille calmer la grogne des élus et des policiers contre la faiblesse des effectifs, après plusieurs faits divers spectaculaires et le limogeage du préfet chargé de la sécurité, Gilles Leclair.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/08/29/martine-aubry-s-invite-a-marseille-pour-defier-claude-gueant_1564781_823448.html
A quelques mois de l'élection présidentielle de 2012, le ministre ne sous-estime pas le problème. Depuis son arrivée Place Beauvau, en février, Claude Guéant n'a de cesse de donner plus de visibilité aux uniformes. Le 24 août, lors des commémorations de la libération de Paris à la Préfecture de police, il a encore appelé les policiers à, "sans relâche, entretenir et développer le lien" avec la population.
Pour mettre des policiers dans la rue, le ministère compte avant tout faire avec les moyens existants. Avec la création des patrouilleurs, annoncée en avril, dont le principe est de faire circuler les policiers par deux, "pour créer un climat, une ambiance de sécurité", "donner plus de visibilité". Une réforme qui vient après les unités territoriales de quartiers (UTEQ) de Michèle Alliot-Marie et les brigades spécialisées de terrain de Brice Hortefeux. Mais le problème est presque aussi vieux que l'institution : dès 1977, le rapport Peyrefitte, constatant la distance entre les Français et leur police, prônait déjà le développement de l'îlotage.
Le ministre de l'intérieur doit tenir compte d'une situation budgétaire contrainte. Dans son livre, M. Urvoas chiffre à 11 000 les emplois (équivalents temps-plein travaillés, ETPT) disparus depuis 2007. Si l'on remonte à 2002, il estime que près de 3 000 postes se sont envolés : les augmentations d'effectifs, 13 500 gendarmes et policiers, de la loi de programmation (Lopsi) de 2003 du ministre de l'intérieur Sarkozy, auraient ainsi été annulées par les suppressions de postes de la révision générale des politiques publiques lancée en 2007 par le président Sarkozy.
Si l'on s'en tient aux plafonds d'emplois prévus par les lois de finances successives, pour la police, on passe de 149 411 en 2003 à 149 965 en 2007 puis à 145 504 en 2011, c'est-à-dire, effectivement, une baisse de près de 3 % des effectifs. Le budget 2011 a ainsi été conçu comme un "budget de stabilisation" après des années de baisse.
RATIONALISER
Le choix de redistribuer les économies réalisées aux personnels rend la situation encore plus délicate. Ces sommes ont été entièrement (et même au-delà) réaffectées à la revalorisation de la grille des salaires, à l'augmentation des primes, au programme de fidélisation des fonctionnaires en Ile-de-France. Les dépenses salariales ont augmenté de 10,5 % de 2006 à 2010.
Il y a donc effectivement moins de policiers. Mais une baisse de quelques milliers, sur près de 250 000 policiers et gendarmes, signifie-t-elle une réduction visible, pour le citoyen, de la présence des forces de l'ordre dans les rues ? Un instrument de mesure existe, le taux d'occupation de la voie publique, c'est-à-dire le pourcentage de l'effectif de policiers occupés effectivement sur le terrain.
Or, ce bilan est positif : le taux (5,5%) s'est amélioré de 10 % de2005 et 2009, selon la Cour des comptes. Cela signifie qu'en moyenne, à un instant T, un peu plus de 4 000 policiers sont présents sur la voie publique. Une faiblesse longtemps niée : en 1999, quand le criminologue Alain Bauer avait estimé ce chiffre à 5 000, il avait provoqué une forte polémique.
Utilisant un autre instrument de mesure, la juridiction financière estime le nombre d'heures passées par les policiers sur la voie publique à seulement 34 % du potentiel d'heures disponibles en 2009. De leur côté, Alain Bauer et Christophe Soullez, de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), chiffraient, en avril 2010, à 50 % des effectifs le nombre de policiers et de gendarmes effectivement "disponibles pour intervenir sur la voie publique" lors de l'année 2008.
En région parisienne, une réforme des commissariats a été engagée en janvier. Elle doit permettre de rationaliser le travail des policiers en réorganisant les services autour de deux pôles : les unités qui interviennent sur la voie publique et celles qui se consacrent à l'accueil du public et à l'investigation de proximité. Derrière ces changements, Alain Gardère, alors directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne. L'homme de confiance que Claude Guéant va introniser, lundi, préfet délégué à la sécurité à Marseille.
Laurent Borredon
Source :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/08/29/comment-m-gueant-veut-augmenter-la-presence-policiere_1564799_823448.html